Vous connaissez tous le principe de Peter[1]. Tout employé tendra à un moment ou à un autre à s’élever vers son seuil …d’incompétence.

Le principe de Peter est en lui-même un paradoxe et contient les germes d’une absurdité : un salarié compétent sera élevé à un niveau supérieur …et n’y restera potentiellement pas, car étant compétent, il sera de nouveau promu à un niveau supérieur. Par suite des promotions, le salarié sera forcément promu à un poste où il aura atteint sa limite …d’incompétence. De fait, il ne recevra plus de promotion, et restera donc …indéfiniment à un poste pour lequel il est incompétent. A terme, si on pousse le paradoxe à son comble, tous les postes sont potentiellement occupés par des employés incompétents dans leur fonction … avec l’impact que l’on peut imaginer sur la vie de l’organisation. Plus un salarié est compétent, plus il est promu, et il arrive à une position critique pour l’organisation, position dans laquelle son impact est significatif, et son « incompétence » aussi. Certes, nous faisons là un raccourci quelque peu caricatural, fait uniquement pour servir le propos

Mais me direz-vous, quel rapport avec la demande de mobilité, si on assume qu’une demande de mobilité ne vise pas toujours une promotion de type hiérarchique ? La question serait alors la suivante :  a-t-on intérêt à maintenir un salarié compétent indéfiniment dans son job ? Car un des grands défis sous-jacents à la question de la mobilité est la problématique de la transmission des compétences.

Cette limite de compétence peut être précisément une des raisons de la demande de mobilité : ce n’est pas que le salarié est devenu « incompétent », c’est qu’il a atteint la limite de ce qu’il peut faire, ou a envie de faire, dans sa position. Ce constat n’est d’ailleurs pas toujours de l’ordre du conscient. Il peut être exprimé par une émotion, celle de l’ennui au travail. On en revient au potentiel risque de perte de sens au travail.

On en revient également à la question de la reconnaissance. Parfois, l’exercice d’une tâche, même effectuée parfaitement, vous renvoie à la limite de la satisfaction personnelle et de l’estime soi que l’on peut en retirer, car elle vous est devenue facile. Elle ne repousse plus les limites de l’intellect. Et l’entreprise prend pour acquis l’expertise, ce qui génère automatiquement un déficit de reconnaissance de la hiérarchie. La reconnaissance est une affaire d’identité pour soi et d’identité pour autrui.

Pourquoi un salarié fait-il une demande de changement ? Que recherche-t-il ? S’il est compétent dans son poste, il devrait y être heureux, qu’exprime donc un salarié qui demande une mobilité ?

Le management n’est pas une science exacte. Il n’est pas dit qu’un salarié compétent à son poste le sera à un autre, même si l’on parie sur ses ressources intrinsèques. On prend toujours un risque lorsque l’on fait migrer une compétence. Mais ne pas examiner, comprendre, et considérer une demande de mobilité, c’est peut-être prendre le risque de pousser un salarié vers sa limite d’incompétence.

[1] Laurence J. Peter, et Raymond Hull dans l’ouvrage Le Principe de Peter, 1970

 

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